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Curie, Marie
Première femme à enseigner à l’université en France, première femme lauréate des médailles Davy et Matteucci, première femme à recevoir un prix Nobel (1903), premier individu, hommes et femmes confondus, à recevoir un deuxième prix Nobel (1911), première et unique femme, encore aujourd’hui, à être admise au Panthéon (le 21 avril 1995), Marie Curie est non seulement une figure forte pour le féminisme, mais aussi un symbole universel de persévérance et ténacité. Née à Varsovie le 7 novembre 1867, Maria Sklodowska immigre en France en 1891 pour accéder à des études universitaires, interdites aux femmes en Pologne à cette époque. Admise en sciences, Maria est reçue première de sa promotion à l’agrégation de physique (1893), mais seconde (on ne saurait lui en tenir rigueur) en licence de mathématiques (1894). Si dans l’histoire de la science les femmes sont trop peu souvent récompensées, Marie Curie, pour sa part, s’est vue décorée et honorée plus que quiconque, de son vivant et à titre posthume, sans compter les nombreux hommages qui lui ont été rendus. En totalité, on lui a décerné une vingtaine de distinctions honorifiques des plus prestigieuses et plusieurs doctorats honoris causa.
C’est en 1894 que Maria Sklodowska fait la rencontre de Pierre Curie avec qui elle aura deux filles : Irène et Ève Curie. Physicien licencié depuis 1877, Pierre Curie devient, à partir de 1889, chef de travaux à l'École de Physique et Chimie industrielle de Paris, puis professeur en 1895. En vue d’une thèse de doctorat, Maria entreprend, à partir de 1897, des expériences sur les rayons produits par l’uranium, identifiés par Becquerel, et sur les rayons X, découverts par Wilhelm Roentgen.Ce travail intensif mené avec son mari donnera naissance à la radioactivité. De fait, en analysant les rayonnements de la pechblende, un minerai riche en uranium, elle découvre d’autres substances actives : d’abord le thorium, ensuite le polonium et le radium (1898). Ceux-ci s’avèrent beaucoup plus radioactifs que l’uranium lui-même. Mais elle démontre, en outre, que la radioactivité n’est pas un résultat ou une réaction, mais bien une propriété de la substance : l’atome.
Avec son mari, elle annonce alors devant l'Académie de Médecine de Paris qu'ils ont réussi à isoler deux minéraux radioactifs, et cette découverte fonde leur renommée. C’est en 1903 qu’elle leur vaudra le prix Nobel de physique, partagé avec Henri Becquerel. Le début du 20e siècle et leur consécration amènent Pierre Curie à être titularisé professeur à la Sorbonne, en plus de se voir décerner une chaire de physique, tandis que Maria Sklodowska est simplement nommée « chef de travaux ». Trois ans plus tard, Pierre Curie est renversé par une voiture de chevaux et meurt à 47 ans. Marie Curie reprendalors la direction de la chaire du Laboratoire Curie, à l´Institut du Radium, la tâche d’enseignement de son mari et devient la première femme à enseigner à la Sorbonne. Elle s’y affaire à purifier et à isoler le radium pour en définir ensuite le point de fusion (1910). Malgré son travail acharné et ses réussites considérables, Marie n’a pas que bonne réputation : une histoire d’amour suite à la mort de Pierre Curie avec un homme marié, le physicien Paul Langevin, assombri son image déjà affaibli par son statut d’immigrante. Lorsque cette nouvelle est publiée dans le journal Scandale, toute la République la juge très durement et lui rend la vie impossible. Qualifiée de « métèque », accusée d’être la complice d’un adultère, d’être « le Chopin de la Polonaise », les insultes pleuvent et on demande sa démission de la Sorbonne. Blessée, elle s’exile en Angleterre. La France de l’époque est misogyne et xénophobe, il n’y fait donc pas bon être une femme ambitieuse et étrangère qui revendique sa place dans un secteur exclusivement masculin de la société. En 1911, l´Académie des Sciences de Suède, comme un pied de nez à l’Académie des sciences de France où on lui avait refusé l’entrée, accorde à la célèbre scientifique le Prix Nobel de Chimie pour ses travaux de purification du radium.
C’est cette découverte qui permet à Claudius Regaud, directeur de l’Institut Pasteur, de compléter ses travaux amorcées en 1906 sur la possibilité d’utiliser les radiations pour ralentir la prolifération de cellules cancéreuses et d’ainsi développer un procédé de traitement médical qui s’avérera révolutionnaire : la radiothérapie.
Avec la première guerre mondiale, Marie Curie aura l’occasion de mettre en pratique certaines des découvertes reliée à la radiation. Les rayons X peuvent faciliter le travail des chirurgiens et sauver des vies en permettant de localiser des éclats d'obus ou des balles dans le corps des blessés. Maria Slodowska sera mobilisée, tout comme l’ensemble du personnel de l’Institut du radium, pour assurer les services de radiologie de l'armée.Elle participe alors à la conception de voitures-laboratoires, sorte d’unités mobiles de radiologie, qui seront surnommées les « petites Curie » et envoyées au front, conduites par leur maîtresse d’œuvre.
En 1934, Maria Sklodowska assiste à la découverte familiale de la radioactivité artificielle par une de ses filles, Irène, et son mari, Frédéric Jolinot. Le couple de scientifiques se méritera à cet effet un prix Nobel. Quelques mois plus tard, le 4 Juillet 1934 à Sancellemoz en Suisse, Marie Curie meurt d’une maladie probablement causée par des années de contact avec la matière radioactive et les rayons X.
Figure de femme, mais rarement associée à la féminité, Marie Curie est représentée dans l’imaginaire populaire comme une travailleuse acharnée qui n’hésite pas à s’user les mains et à sacrifier sa santé pour la science. Elle est le plus souvent décrite comme curieuse, ambitieuse, fonceuse, mais également timide et effacée.
Plusieurs auteurs se sont intéressés à cette femme mythique. Les biographies se sont multipliées, se penchant autant sur sa vie que sur celle de son mari et de ses filles, Ève et Irène, elles-mêmes scientifiques. Pour Françoise Giroud, Marie Curie est : « […] une figure émouvante, parce qu’elle est forte et faible, irréductible et vulnérable, géniale et plongée dans les recettes de confiture, têtue, têtue, têtue. Une femme, quoi. »