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Le Scientifique, entre Histoire et fiction
L’actuel projet du Sélectif a pour but d’étudier la transposition de certaines figures historiques de la science dans la fiction en prose, en s’arrêtant en particulier (mais sans que ce soit exclusif) sur sept scientifiques clés : Bruno, Galilée, Newton, Darwin, Curie, Einstein, Oppenheimer.
Le choix de ces sept noms en particulier repose sur trois raisons : il fallait s’assurer de l’existence de plus d’un texte significatif et c’est ici chaque fois le cas; chacun d’entre eux est associé, plus encore qu’à une découverte, à un paradigme qui a révolutionné le rapport du sujet au monde : Bruno et Galilée par leurs réflexions astronomiques, Newton par la gravitation, Darwin par la théorie de l’évolution, Curie par la découverte du radium, Einstein par la révolution du continuum spatio-temporel, Oppenheimer par la révolution du nucléaire; chacun d’entre eux a joué, parfois malgré lui, un rôle politique important par les répercussions de ses découvertes.
Par leurs prises de position ou par l’ampleur des débats que leurs travaux ont soulevés et qui débordent d’un strict cadre scientifique, ils polarisent les effets culturels de la science. La fiction les exacerbe souvent, insistant sur délires, fantasmes, croyances, vertiges que ces scientifiques provoquent, voire, à l’inverse, en démystifiant ce que la réalité sociale tend à mythifier de leurs travaux (et leur vie).
De nombreux romans, des nouvelles, des pièces de théâtre au cours des dernières décennies ont ainsi mis en scène des figures de scientifiques connus et célébrés, à la fois symptôme et métonymie de ces transformations culturelles. Parfois, ils deviennent de véritables personnages fictifs, fantasme d’une crise qui les dépasse (provoquée par la place de la terre dans le système solaire, la théorie de l’évolution, la relativité, le nucléaire, les conséquences de la découverte de l’ADN et de ses suites, etc.) Ces fictions sont parfois à la limite de la biographie et parfois présentent au contraire des figures largement romancées, voire fantastiques. Véritables icônes, considérés souvent comme des êtres exceptionnels, la logique de l’imaginaire les entraîne souvent du côté du fantasme. Percer les mystères de l’univers consiste à se placer à hauteur de Dieu, ce qui représente un poids certain au plan imaginaire. Des auteurs les situent au centre de la diégèse, d’autres se servent d’abord de leurs découvertes et utilisent l’individu qui se trouve derrière de manière périphérique – en insistant par exemple sur leur influence chez un personnage central de la fiction. Autrement dit, le scientifique n’existe pas seulement comme « personnage historique », il est indissociable d’une invention, d’une découverte qui a provoqué une modification de paradigme.