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Le dernier chasseur de sorcières
Type de publication:
BookAuteurs:
Morrow, JamesSource:
Volume Vauvert, p.686 (2003)Texte complet:
Jennet Stearne est la fille de Walter Stearne, un fameux chasseur de sorcières, et la nièce d’Isobel Mowbray, une des rares femmes-scientifique de son époque, grande admiratrice d’Isaac Newton avec qui elle a essayé d’avoir un échange épistolaire à propos de l’existence des esprits maléfiques. Accusée de sorcellerie, elle est emprisonnée et jugée. Au cours de son procès, Jennet tente de retrouver Newton, qui enseignait alors au Trinity College, pour qu’il témoigne et oppose ses théories sur la mécanique des corps aux principes théologiques postulant l’existence des démons. Arrivée à Londres, elle rencontre Robert Hooke – le célèbre adversaire du savant – qui se fait passer pour Newton, et réussit à ternir sa réputation en improvisant une mascarade au moment de sa comparution devant la cour. Après la mort de sa tante, brûlée vive à la suite d’un excès de zèle de Walter Stearne qui aspirait à la fonction de chasseur de sorcières royal, Jennet se promet de poursuivre des recherches scientifiques qui prouveraient l’absurdité de la loi contre la sorcellerie et mèneraient à son abolition. Avec l’aide du jeune Benjamin Franklin, elle écrit un ouvrage où elle expose son argumentum grande contre la sorcellerie, mais ne parvient jamais à persuader Newton de soutenir son projet. Après de nombreuses aventures, elle décide de mettre en scène un procès de sorcellerie lequel Montesquieu se fait son défenseur. La loi est enfin votée et Jennet peut se consacrer à ses études sur le magnétisme et l’électricité.
Écrit avec un humour flegmatique teinté parfois de sarcasme, le roman de Morrow ne contient qu’un (long) épisode où Newton, personnage fantasque et grognon, apparaît. Les thèmes de sa réflexion y sont pourtant largement repris et ils s’ajoutent à l’ingénieux artifice qui fait de son grand livre, Principia mathematica, un personnage amoureux de Jennet Stearne qui la poursuit dans ses quêtes scientifiques. Dans son acharnement à prouver l’absurdité de la loi contre la sorcellerie, elle essaie de concilier la cinétique newtonienne avec la physique aristotélicienne dans un modèle qui prouve que le monde est imperméable aux influences des démons. À la suite de nombreuses consultations des Principia, le livre développe une assez particulière combustion érotique à l’égard de Jennet, qui mène à différentes divagations autour des principes d’accélération, d’attraction, de résistance et de radiation. Le discours des Principia devient donc une joyeuse métaphysique sui generis imprégnée du portrait holographique de Newton et qui fait le contrepoint de la narration des recherches de Jennet. Tous ces ingrédients font du roman de Morrow un ouvrage agréable, un peu long et touffu, dont l’originalité consiste surtout à accorder à l’investigation scientifique la valence d’une aventure picaresque.