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La chair de pierre
Type de publication:
BookAuteurs:
Folch-Ribas, JacquesSource:
Robert Laffont, Paris, p.233 (1989)Texte complet:
En tant que tel, le roman La chair de pierre ne met pas Galilée en scène comme personnage de fiction. On y raconte plutôt l’histoire tumultueuse d’une autre figure historique, assez importante dans l’histoire de la Nouvelle-France bien que très peu connue : Claude Baillif, compagnon tailleur de pierre d’abord, Maître-charpentier de la Confrérie de Saint-Joseph ensuite et premier architecte, enfin, à œuvrer outre-Atlantique. Avant de l’installer en Nouvelle-France, où, entre autres monuments, il érigera « la première cathédrale sur les terres sans limites de l’Amérique du Nord », le récit promènera le susnommé Baillif sur les routes françaises, puis italiennes, nous laissant voir ce jeune initié d’origine modeste, mais de nature curieuse, s’extasier devant les joyaux architecturaux de la vieille Europe. La contemplation esthétique du jeune homme se doublera alors de fugitives méditations sur d’aussi sérieux objets que la raison cartésienne ou l’essence de la Beauté. Chemin faisant, Baillif rencontrera Galilée : en pensée, à travers les mots d’un maître-charpentier pisan qui lui raconte, une nuit, l’histoire héroïque de l’homme de science ; par la chair, très fugitivement, à travers le corps d’une certaine Giana, la « bâtarde de Galileo, la consolation de ses vieux jours, celle qui l’avait aidé au trépas » ; par la matière, dans les conceptions de l’art et les réalisations de l’artisanat.
Néanmoins, Galilée, comme figure emblématique du savant critique (envers les dogmes religieux surtout), rationaliste et sensible, occupe une place non négligeable dans l’univers du roman. Concrètement, son illustre présence se fait surtout sentir au fil des pérégrinations de Baillif, chapeautant ses réflexions, cautionnant ses recherches, visant l’harmonie des formes, assoyant ses propres compétences architecturales sur une conception très matérielle, voire mathématique, du monde.
Cet excellent roman de Folch-Ribas a, entre autres, le mérite de ne pas seulement « récupérer » une figure célèbre dans l’histoire de la science. Il intègre fort habilement, sans artifice ni entourloupe, la vision globale du monde qu’avait Galilée, alliant le caractère saillant de la pensée du grand Pisani à la sensibilité exacerbée de son protagoniste. Riche et instructif.