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The Recantation on Galileo Galilei
Type de publication:
BookAuteurs:
Bentley, EricSource:
Harper & Row, New York, p.115 (1972)Texte complet:
Suivant les traces de Bertold Brecht, Eric Bentley s’intéresse à la figure de Galilée dans cette pièce datant des années 1970. L’action s’étale sur plus d’une vingtaine d’années et décrit le cheminement intellectuel qui a poussé le grand savant à défendre les idées coperniciennes et à tenter de les prouver objectivement afin d’empêcher l’Église de les nier. Le scientifique est montré tour à tour comme un être résolu, entêté et fondamentalement naïf. Entouré de gens qui lui veulent du bien et d'autres qui n’ont d’autre envie que de le faire taire, Galilée poursuit son chemin, indifférent aux critiques et flatté par les éloges. À la fin, alors qu’il s’apprête à signer son démenti, il est conscient de deux choses contradictoires, mais complémentaires. D’abord, il ne sera pas perçu, de son vivant, comme le génie qu’il sait être, ensuite sa « lâcheté » (alors que Giordano Bruno a été stoïque jusque sur le bûcher) ne changera rien : la vérité ne peut pas être évitée, une fois ouvertes, certaines portes ne peuvent être refermées. Il n’avait pas tort, personne de nos jours ne considère son geste comme celui d’un lâche, plutôt comme celui d’un homme qui n’a pas envie de mourir pour une idée qui n’est ni une opinion, ni une croyance, mais un fait.
Parsemée de petites perles de dialogues entre Galilée et les Cardinaux, la pièce de Bentley parvient à illustrer parfaitement les contingences de l’époque, les arguments religieux et philosophiques qui se cachent sous des découvertes qui nous semblent des évidences, plusieurs siècles plus tard. Croire au géocentrisme, de nos jours, serait une absurdité, mais Bentley parvient à nous remettre en contexte. Ce qui ressort du texte, c’est cette idée bien connue (que l’on a tendance à sous-estimer pourtant), de la complexité de la science et, par extension, du raisonnement scientifique lui-même. Par exemple, juger à partir d’un regard moderne la médiocrité intellectuelle des Cardinaux de l’Inquisition du XVIIe siècle, c’est oublier qu'il est absolument impossible de comprendre la théorie de la relativité d’Einstein sans une vulgarisation à outrance; c’est oublier que personne ne pourra jamais expliquer correctement, sans la travestir, la théorie des cordes. Bentley démontre bien à quel point, malgré les efforts (et la réussite) de Galilée en vue de prouver l’héliocentrisme, il n’est pas seulement aux prises avec de la pure mauvaise foi de la part de ses juges. Il se retrouve face au problème éternel de l’incompréhension. Après tout, ses preuves sont basées sur des calculs complexes à propos des satellites de Jupiter, ses observations télescopiques, et sont appliquées à des phénomènes terrestres et solaires qui sont impossibles à percevoir à l’œil nu, voire qui entrent en contradiction avec ce que l’œil nu perçoit.
Eric Bentley signe, avec The Recantation of Galileo Galilei, une belle investigation biographique. De facture réaliste, le texte publié est intéressant formellement en ce sens où il présente au lecteur des aspects qui sont inaccessibles au spectateur original : une épigraphe liant Oppenheimer et Galilée dans leurs déboires avec la censure politique, des notes explicatives quant à la teneur de certains anachronismes délibérés, des reproductions de toiles représentant Galilée devant l’Inquisition et, pour conclure, un article de journal datant de juillet 1968, évoquant l’ouverture du Vatican face à une éventuelle réhabilitation du grand homme de science.