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Le testament d'un hérétique ou la dernière prière de Giordano Bruno
Type de publication:
BookAuteurs:
Drewermann, EugenSource:
Albin Michel, Paris (1994)Texte complet:
Écrit par un théologien allemand, ce roman pour le moins inégal se divise en sept chapitres, chacun reproduisant sur le mode du journal intime les « confessions imaginaires » d’un Giordano Bruno en attente d’être exécuté. S’échelonnant du 26 au 31 décembre de l’an 1599 (l’auteur explique à la fin de son livre que l’élimination du savant était d’abord prévue pour le 1er janvier 1600), le récit offre les mémoires d’un homme contrit et mélancolique. On cherche en vain, dans le roman de Drewermann, le caractère incorruptible de ce savant mort pour ses idées. Les principaux événements de la vie de Bruno se dessinent tant bien que mal à travers les innombrables rêveries et divagations du narrateur. D’une façon assez décousue, l’auteur nous entraîne du Nola natal de Bruno à sa comparution devant le Cardinal Bellarmin et le Tribunal de l’Inquisition. L’auteur insiste d’ailleurs beaucoup sur le procès de Venise allant même jusqu’à reproduire, à travers les réminiscences du personnage, les minutes du procès.
La lecteur se heurte cependant à plusieurs irritants. D’abord, la vive impression ressentie à l’idée que Drewermann s’approprie la voix de Bruno pour questionner son propre rapport à Dieu est présente du début à la fin. Les dérives théologiques semblent ainsi souvent plaquées. De plus, la manie de l’auteur de raconter, jour après jour, les rêves de Bruno, agace rapidement. Enfin, l’obsession du personnage pour cette fantomatique Diane-Morgane, « femme mythologique recherchée dans l’univers » (p.318) est exprimée par plusieurs poèmes d’amour où s’accumulent les clichés les plus graves (« dans la mélancolie de tes yeux brille le ciel »).
C’est davantage un homme face à sa mort et à Dieu qu’un savant condamné pour ses idées que le roman de Drewermann donne à voir. Heureusement, le testament prend plutôt la forme d’un récit biographique au fur et à mesure que le personnage se rapproche du bûcher. Il reste que si, à plusieurs moments, les liens entre ce livre et celui de Fillipini apparaissent évidents, on regrette très vite la fureur énonciative et les aventures passionnantes de L’Homme incendié. L’aspect plus spéculatif du roman de Drewermann s’explique probablement par le lectorat auquel il s’adresse. Publié dans la collection « Spiritualités » des Éditions Albin Michel, le livre semble davantage destiné à un public intéressé par des questions de croyance que de connaissance.