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An Instance of the Fingerpost
Type de publication:
BookAuteurs:
Pears, IainSource:
Random House, Londres, p.698 (1997)Texte complet:
Tâche laborieuse que celle de résumer d’une oeuvre aussi touffue et aussi ambitieuse. Le roman de Pears, à la frontière de la fresque historique et du thriller politique, est construit sur le principe des perspectives multiples. Un même évènement – en l’occurrence le meurtre (et l’exécution de la coupable qui s’ensuit) d’un notable de la haute société d’Oxford – est raconté dans les mots et d’après les souvenirs de quatre personnes qui en ont été les témoins privilégiés. À partir d’une première relation sobre (celle d’un être fictif qui se nomme Marco da Cola) et sur laquelle le lecteur fonde son contrat de lecture, Pears déploie une immense tapisserie d’éléments qui dévoile un complot politique monstrueux ayant menacé l’équilibre fragile du royaume d’Angleterre déjà aux prises avec une crise d’envergure.
Déjà cité et décrit dans les deux premiers récits, John Wallis lui-même prend la parole en tant que narrateur de la troisième partie et tente d’éclaircir et de ramener sur le chemin de la vérité une intrigue déjà complexe. Il est intéressant de noter que tous prennent la parole plusieurs années après les faits et que chaque récit indépendant est en quelque sorte la conséquence des précédents, créant ainsi une surcharge de sens et de mystère proprement fascinante. Wallis est présenté surtout en tant que maître dans l’art de déchiffrer les codes et les messages secrets de la correspondance des insurgés. Il a travaillé pour le parlement de Cromwell et par la suite pour le roi Charles sous la Restauration. Ses découvertes mathématiques sont obscurcies par ses activités politiques et par l’influence de plus en plus grande d’un certain Newton. D’un point de vue purement scientifique, le personnage de Wallis est de seconde zone, dans l’ombre de ses successeurs immédiats et de ses coreligionnaires de la Royal Society. Pourtant, la science occupe une place prépondérante dans l’œuvre de Pears, qui mène le lecteur à travers un dédale idéologique et une institution en plein changement.
Au cœur du débat se trouve évidemment la religion d’état, ses tenants obscurantistes, mais également (et de façon plus pernicieuse peut-être) la question sincère de la foi et du principe de réconciliation entre cette nouvelle philosophie qu’est la science expérimentale et le savoir ancestral et liturgique. Les personnages, Wallis en tête, sont tous déchirés entre le besoin humain fondamental de comprendre et celui tout aussi humain de croire dans la toute-puissance de Dieu qui ne saurait être contredite. Ainsi, de superbes pages (dans un style archaïsant assez inégal) mettent en scène les débats qui opposent les différentes factions du savoir et les questionnements éthiques et moraux qui animent les plus grands esprits de l’époque. Un bon roman d’histoire scientifique est nécessairement nourri par ces déchirements et illumine de façon tragique et stimulante cette idée que chaque époque vit avec les conséquences de ses percées et de ses intuitions, qu’elles soient erronées ou véridiques. À cet effet, An Instance of the Fingerpost présente une admirable synthèse des tensions qui régnaient dans les communautés politiques, scientifiques et théologiques de la seconde moitié du XVIIe siècle en Angleterre, où des hommes comme John Wallis ont tenté d’abolir les barrières du savoir tout en évitant de porter atteinte à l’image de Dieu et son omnipotence.