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Lord Byron’s Novel : The Evening Land
Type de publication:
BookAuteurs:
Crowley, JohnSource:
HarperCollins, New York, p.465 (2005)Texte complet:
Comme le lecteur peut le constater sur la couverture originale, où défilent en filigrane les chiffres d’une longue équation sur une toile de David Friedrich, le roman de Crowley se veut un mélange d’époques, de styles et de disciplines. Après une brève introduction au personnage d’Ada Byron tirée d’un site Internet fictif, on entre dans la narration d’un texte aux accents byroniens, qui serait le manuscrit retrouvé du seul roman écrit par l’illustre poète. De petits numéros dans les marges indiquent les annotations de sa fille Ada, lesquelles sont reproduites après chaque chapitre. Entre les chapitres du roman et les notes, se retrouve également une longue série de courriels envoyés par divers personnages qui interagissent, afin de percer le mystère entourant la découverte du manuscrit de Lord Byron. L’enquête révèle finalement (les personnages restent sceptiques quant à l’authenticité du document) qu’Ada s’est retrouvée en possession des derniers papiers de son père et qu’elle a passé la majeure partie de son agonie (un cancer du cerveau l’a emporté à l’âge de 36 ans) à annoter le roman et à en faire une copie secrète qu’elle a cryptée en utilisant un code mathématique complexe pour le sauver de l’autodafé proclamé par sa mère.
Lord Byron’s Novel est surtout un roman sur la recherche et l’amour d’un père, alors que la jeune femme du XXe siècle qui dirige les recherches est touchée par le destin d’Ada, au point de renouer avec un homme qu’elle a peu connu et qui a commis un crime sordide. C’est également un plaidoyer convaincant pour l’indépendance de l’esprit qui ne saurait être façonné par des êtres aux ambitions farouches. Ada revient, à la fin de sa vie, vers son père à qui on l’a enlevée, ayant développé un esprit critique supérieur face aux instances (sa mère et son entourage) qui ont voulu forcer son oubli et son désintérêt. Il est, dans ce sens, un peu ironique de comprendre que sa passion et son génie mathématique ont été au départ artificiellement encouragés par ceux qui voulaient éviter qu’elle ne devienne « littéraire ».
Crowley installe son intrigue sur des bases solides et plausibles, au sens où son point de départ est historiquement vérifié. Ada, en effet, est considérée aujourd’hui comme l’inventrice du premier « logiciel », c’est-à-dire un système de cartes passées à travers une machine séquentielle qui aurait pu donner des résultats mathématiques préétablis. Que le fameux code de cryptage utilisé pour cacher le manuscrit de son père se révèle être tout autre chose ne change rien au fait que le lecteur est amené à côtoyer, au fil de ses interventions autobiographiques, une femme d’une vive intelligence, consciente des limites de son époque et dotée d’une intuition rare pour le futur. Crowley nous montre une Ada pleine d’espoir pour l’avenir des hommes, qui vivront dans un monde qu’elle aura contribué à expliquer.