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Dieu rend visite à Newton
Type de publication:
BookAuteurs:
Dagerman, StigSource:
Denoël, Paris, p.181-215 (1976)Texte complet:
On considère généralement ce texte comme une nouvelle, à défaut d’avoir pu connaître la suite. En effet, il devait s’agir de l’introduction à un long roman fantastique, mais Dagerman se suicida à 31 ans au début des années cinquante, sans avoir rédigé d’autres pages.
L’intitulé est littéral : Dieu rend visite à Newton en 1727 (année de la mort du scientifique, à 85 ans) et lui fait d’abord croire, en accomplissant un miracle, que la loi de la gravitation n’existe plus. Puis, à la suite d’une discussion philosophique, le physicien prend la place du Créateur, le transformant en être humain, pour qu’il puisse vivre les vicissitudes de ses créatures. Il lui accorde un dernier miracle, qu’il réalisera au moment où Newton meurt. Ce dernier scandalisera ceux qui l’entourent cérémonieusement en flottant, dans la mort, au-dessus de son lit. Il faudra l’attacher, puis attacher le cercueil avec des chaînes, pour le faire tenir au sol. Ultime facétie de Dieu qui, devenu un marin baptisé « Voilier Claes Jensen », se dirige ensuite vers le port de Londres à la recherche d’un bateau en partance pour une destination lointaine.
Moment d’un deuil, mais surtout du passage entre vie et mort, le texte plonge son lecteur dans un espace ambigu, fascinante narration entre rêve et réalité. L’affrontement opposant Newton mourant et le Grand Horloger se fait au détriment de celui-ci qui, contrairement à sa nature, devra apprendre l’humilité, la peur, la douleur à travers différentes épreuves initiatiques qu’il doit subir sur le chemin de l’humanité.
Allégorie sur le pouvoir, sur la Loi aussi bien que sur les lois, Dieu rend visite à Newton est un texte qui se situe dans un espace de transition de plusieurs manières. Malgré la mort de Newton, la passation du pouvoir de Dieu au physicien anglais dans la nouvelle indique que la science s’impose sur la religion. Pire (ou mieux, c’est selon) : le Créateur devenant un humain, on assiste d’une certaine manière à la « laïcisation » du religieux à travers la figure de l’Être suprême lui-même.