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Quand Einstein rêvait
Type de publication:
BookAuteurs:
Lightman, AlanSource:
Pavillions, Robert Laffont, Paris, p.123 (1993)Texte complet:
L’auteur, lui-même physicien, propose une série de courtes fables autour du temps. Nous sommes à Berne, en 1905, et un jeune scientifique réfléchit à cette question à laquelle il s’intéresse depuis longtemps. D’une part cela accapare son travail, d’autre part il rêve de plus en plus à des mondes dans lesquels des temporalités étranges se multiplient.
Ce jeune homme, on l’aura compris, est Albert Einstein et le texte contient une part de vérité historique : il a effectivement obtenu un emploi au Bureau des Brevets en 1902 et publiera en 1905, dans des revues scientifiques, des mémoires écrits pendant ses temps libres, qui auront un retentissement considérable. L’intérêt principal du livre ne porte pas cependant sur la vie d’Einstein. Mis à part le prologue, la conclusion et trois intermèdes au cours desquels il se trouve avec son ami Michael Besso, aussi physicien, le livre présente une série de courts textes décrivant des rêves, présentés dans l’ordre chronologique, du 14 avril au 28 juin 1905.
Le jeune physicien constate que « parmi les multiples natures du temps, imaginées en autant de nuits, l’une semble s’imposer. Non que les autres soient impossibles. Les autres pourraient exister dans d’autres mondes. » (p. 9) Le lecteur découvre ces « autres mondes », dans des textes qui commencent souvent par « Dans ce monde-là », « Imaginez un monde», « Considérez un monde » qui sonnent comme autant de « il était une fois ». Les différentes narrations posent le sujet du rêve dans les premières lignes et invitent à constater comment vivent les gens dans cet univers temporel singulier, présentant à chaque fois des avantages et inconvénients particuliers.
Qu’il apparaisse dans les interludes avec Besso ou seul dans son bureau, Einstein paraît « flottant » : figure onirique, il semble naviguer à vue dans un rêve continuel, plongé dans un nouveau projet et n’entendant pas les questions qu’on lui pose, « oublieux de son corps et du monde » (p. 70). Einstein ne se « matérialise » pas dans ce livre. Il absorbe, à travers ses rêves, les différentes facettes du temps et en devient à lui seul une représentation (et le dépositaire). En ouvrant les portes du temps, en en offrant perceptions et perspectives singulières, il permet à la fiction de s’attaquer à un espace imaginaire chaque fois original. Dans ce livre magnifique associant imagination débordante et pensée scientifique, Alan Lightman propose un large spectre de temporalités et c’est comme s’il disait : « voyez ce qu’Einstein nous a permis d’imaginer ».