Rubriques
Copenhagen
Type de publication:
BookAuteurs:
Frayn, MichaelSource:
Methuen, Londres, p.116 (1998)Texte complet:
Werner Heisenberg a été pendant trois ans, de 1924 à 1927, le principal assistant du physicien Niels Bohr. Ensemble (et avec d’autres), ils ont formé la fameuse école de Copenhague, révolutionnant la physique en développant ce qu’on a nommé la physique des micro-particules, ou quantique. Mais en 1941, Heisenberg et Bohr ne sont plus du même côté des choses. Nous sommes maintenant en guerre. Le premier travaille dans les laboratoires du Reich; le second, à moitié Juif, vit au Danemark dans un pays occupé par les Nazis. Pourquoi Heisenberg, de passage à Copenhague, vient-il sonner à la porte de son ancien mentor? Que lui veut-il? De quoi discutent-ils lors de la marche qui les conduit non loin de la maison, à l’abri d’éventuels micros?
C’est à partir de cette anecdote (véridique) que Frayn écrit une pièce à trois personnages : Heisenberg, Bohr et sa femme. Refusant de borner le drame à l’intérieur de paramètres réalistes, le dramaturge situe le spectateur dans une sorte de hors temps. La pièce commence à un moment indéterminé après la mort des protagonistes, pour nous conduire à cette soirée de 1941, puis aux années vingt, liant de manière inextricable les débats scientifiques, moraux, éthiques, politiques, aux (fortes) personnalités des deux physiciens et à d’autres scientifiques qui les entouraient et dont ils se souviennent.
Heisenberg a-t-il vraiment aidé les Nazis? A-t-il travaillé à la fabrication d’une bombe atomique? La croyait-il réalisable? Ou a-t-il, sciemment, fait ce qu’il pouvait pour saboter les efforts de guerre en ralentissant la recherche et en laissant croire que cette fameuse bombe ne pouvait être construite? Les interprétations des historiens et des biographes divergent et Frayn ne cherchent pas à simplifier les choses. Au contraire, sa pièce laisse toutes les interprétations ouvertes. Dans ce fascinant échange entre les deux physiciens, où la femme de Bohr vient parfois s’interposer pour servir de médiatrice ou ajouter de l’huile sur le feu, on a l’impression d’une synthèse de l’histoire de la physique du XXe siècle et des débats sur le rôle politique et social des scientifiques au cours de la même période.