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Requiem pour une puce
Type de publication:
BookAuteurs:
Ramstein, GérardSource:
Seuil, Paris, p.382 (2001)Texte complet:
Le King’s College de Cambridge est une institution bien difficile à ébranler, mais une série de meurtres tout juste avant Noël, tous dirigés vers des fellows (professeurs), commence à inquiéter plus sérieusement la communauté. Arthur Eddington (qui évoque librement Lewis Carroll), un éminent professeur de mathématiques, est mêlé à l’affaire : le premier meurtre, celui de son mal-aimé collègue George Stibitz, a été commis à l’aide de curare et d’une sarbacane, qui appartient à Eddington. Londres envoie un enquêteur, l’inspecteur Longsdale, pour régler l’affaire, dont la première action est d’emprisonner le professeur de mathématiques. Une visite inattendue va alors changer la suite des choses : un jeune étudiant de premier cycle du nom d’Alan Turing vient lui demander de le diriger dans ses travaux, mais se retrouve plutôt pris au centre de l’enquête policière. Rapidement relâché, Eddington, accompagné de sa jeune nièce Alice, qui sait poser les bonnes questions, et de Turing, génie des codes et de la logique, entreprend de résoudre ces crimes qui semblent décidément liés au problème de la décidabilité des mathématiques, à la cryptographie et à la mécanisation du calcul. Au fil de l’enquête, il apparaît vite évident que les victimes, des professeurs de différentes spécialités, ont quelque chose en commun : leur participation à un mystérieux projet de machine logique qui semble être l’objet d’espionnage politique et industriel. La résolution de l’énigme se trouve d’ailleurs dans ce projet, mais aussi dans l’Histoire bien réelle du XXe siècle anglais.
Malgré certaines maladresses narratives et de trop nombreux passages exagérément didactiques, ce roman policier utilise habilement les codes classiques du genre (chambre close, indices codés, perspicacité de certains personnages qui évoquent Holmes ou Poirot) pour intégrer l’histoire de l’informatique, de ces premiers balbutiements chez Babbage, jusqu’à IBM et John Von Neumann, en passant bien sûr par la Turing Machine. Les personnages sont librement inspirés de leur homonyme historique, l’épilogue servant à rétablir les faits. On voit donc un Alan Turing étudiant la décidabilité des mathématiques à King’s College, toujours mal habillé et complètement obsédé par les codes, à l’image du véritable Turing, mais d’autres traits sont laissés de côté, son homosexualité et ses problèmes de sociabilité, par exemple. S’il ne s’agit pas au final d’une grande œuvre littéraire, Ramstein réussit tout de même quelques clins d’œil amusants et retournements efficaces et son roman est au moins une façon bien agréable d’en apprendre plus sur l’informatique, la logique et les mathématiques.