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Hypatie, fille de Théon
Type de publication:
BookAuteurs:
Ehret, Marie-FlorenceSource:
L'Atelier des Brisants, Paris, p.91 (2001)Texte complet:
Ehret présente deux Hypatie, comme Socrate parlait de deux Aphrodite, l’une céleste et l’autre terrestre. Une jeune fille placée sous la tutelle philosophique d’un ami de son père apprend lentement les origines de son nom et les raisons qui ont poussé ses parents à le lui donner. Hypatie, née au moment où son homonyme mourrait aux mains de chrétiens fanatiques, s’engage sur le chemin de la connaissance avec le poids de l’histoire récente sur ses épaules. La trame est simple : Héliodore, un homme mystérieux et charismatique, arrive chez son ancien collègue à Alexandrie et prend sous son aile la fille adorée de ce dernier, afin de l’initier aux travaux et aux questionnements des philosophes. Il a étudié avec la première Hypatie et les grands accomplissements de cette femme hors du commun sont restés gravés dans sa mémoire. Il initie donc sa jeune disciple aux grands principes socratiques et platoniciens, qui se charge de la narration, présentant au lecteur le fruit de ses pensées, mélange d’ésotérisme et de mathématiques algébriques.
Le roman de Marie-Florence Ehret, qui fait moins de cent pages, est divisé en une dizaine de courts chapitres qui tentent de dévoiler la figure d’Hypatie, telle qu’elle est perçue par une jeune fille pleine d’admiration. Dans une ambivalence constante entre un souffle poétique abstrait et un récit historique terre-à-terre, l’écriture d’Ehret plane au-dessus de son sujet sans jamais parvenir à nous y intéresser vraiment. La fracture narrative, qui consiste à passer de la première personne du singulier à la troisième au milieu du livre, pour décrire sommairement les tribulations de Synésios de Cyrène et les grands chantiers sociaux de la dernière période hellénistique, puis à revenir au discours subjectif du « je », est particulièrement maladroite. Tablant sur les clichés de la personnalité d’Hypatie (exposés abondamment dans la thèse de Maria Dzielska, Hypatia of Alexandria), l’auteure présente son sujet comme la double métaphore de la liberté intellectuelle et de l’innocence assassinée par les dogmes. D’un point de vue purement historiographique, comme le démontre Dzielska, cette Hypatie est faussement idéalisée, agrandie par la myopie des idéaux occidentaux, féministes ou autres. Ehret se place exactement dans cette lignée d’écrivains et de poètes qui ont cherché à faire parler Hypatie à travers leur propre voix, leur discours modernistes et libéraux. Dans Hypatie, fille de Théon, c’est surtout la prose elle-même qui agace, sans cesse déséquilibrée par l’imprécision du projet. Certains passages sont d’une teneur particulièrement impressionniste, alors que d’autres font appel à un prosaïsme qui évoque l’écriture journalistique. Le lecteur n’apprend rien de nouveau sur Hypatie, plongé qu’il est dans les lieux communs et le manichéisme d’une plume admirative, certes, mais non communicative.