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Monkey's Uncle
Type de publication:
BookAuteurs:
Diski, JennySource:
Weidenfeld and Nicolson, p.258 (1994)Texte complet:
Charlotte FitzRoy, accablée par l’écroulement du bloc communiste européen et la mort de sa fille Miranda, sombre dans une sérieuse dépression. Engagée dans une relation conflictuelle avec Julian, le seul fils qui lui reste, elle tombe sur la biographie de Robert FitzRoy, capitaine du Beagle, lui aussi séduit par la folie et le suicide. Son turbulent parcours entraîne la jeune femme plus loin encore. La vie psychique de Charlotte se scinde alors en une zone atone de veille, rythmée par son travail de biologiste, et en une délirante activité imaginative, balisée par les figures de Marx, Freud et Darwin (qui dialoguent avec un orang-outan). À la suite d’un nouvel accès de folie, elle doit consulter un psychothérapeute qui la pousse à organiser le récit de sa vie depuis les premiers épisodes significatifs de son enfance. On apprend alors que sa naissance, conséquence d’une aventure de son père avec une femme de chambre lors d’un voyage, l’a plongé depuis toujours dans un vide affectif qu’elle ne réussit à combler que par son engagement politique, au détriment de ses enfants. Ultimement, Charlotte réussit à se dissocier de sa jeune homonyme, négligée et sans repères, à qui elle s’identifiait, pour enfin sortir de cette zone spectrale d’où les savants avaient surgi.
Avec un sujet qui s’inscrit dans la lignée de l’orthodoxie freudienne, Jenny Diski parvient à faire un roman captivant par son humour et par le succulent dialogue entre les trois savants, ironisé sans cesse par l’orang-outan, qu’il met en scène. Les savants qui s’ironisent à tour de rôle dans l’imagination de Charlotte font la démonstration de l’inefficacité de leurs systèmes explicatifs. Ainsi, l’ouvrage fait de l’évolutionnisme, du marxisme et de la psychanalyse autant de visions idéologiques de l’être vivant, incapable de fournir des solutions aux tensions qui le traversent. L’intérêt du roman réside surtout dans cette distance entre le discours scientifique – circulaire et autoréférentiel – et la perpétuelle remise en question existentielle des individus. Mais les références extratextuelles ne se limitent pas à la présence des trois savants, puisque l’intertextualité avec Alice in Wonderland, explicite tout au long du texte, sert de commentaire faussement candide sur l’histoire de Charlotte.
Ne vous fiez pas à la légèreté de l’illustration franchement clichée qui domine la couverture de cette édition du roman – un simple singe coiffé d’un ridicule chapeau de paille – puisqu’un véritable questionnement métaphysique le traverse et enrichit sa lecture.