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Type de publication:
BookAuteurs:
Amrine, MichaelSource:
Houghton Mifflin Co., Boston, p.311 (1950)Texte complet:
Benjamin Franklin Halverson, alias docteur Alanson Chadwick, professeur et physicien spécialisé dans la recherche sur la radioactivité et la structure des cellules vivantes, se voit offrir la mission d’assurer la sécurité du projet Manhattan. De 1943 à 1945, il vit sur les sites d’Oak Ridge, puis de Los Alamos avec sa femme Beth, leurs deux enfants Kathy et Joe et leur épagneul Mickey. La bombe larguée sur Hiroshima, il retourne travailler à l’Université Montgomery de Baltimore avec son ami et collègue Georg Politzky, un physicien hongrois avec qui il a étudié à Munich, avant de se rallier à la Fédération des scientifiques de l’atome, dont le lobby contre l’utilisation militaire de l’énergie atomique aura pour nom « The League of Frightened men ». D’abord réticent à toute forme d’union chez les scientifiques, il devient leur porte-parole et donne des conférences sur tout le territoire américain. Toujours bien accueilli, il fait valoir que l’énergie atomique devrait être de gestion civile plutôt que militaire, jusqu’au jour où un important fabricant d’avions et de bombes met en doute sa loyauté envers la nation. La Commission de l’énergie atomique des Nations Unies commande alors une enquête sur tous les scientifiques ayant travaillé à Los Alamos. Après l’interrogatoire musclé mené par le sénateur Coggeshead, non seulement le patriotisme de Halverson est-il rétabli, mais, à la fin du roman, il est invité à travailler à l’élaboration de la bombe H, dans des laboratoires secrets de Chicago.
Michael Amrine recrée habilement le contexte de la naissance de la bombe atomique et les années de guerre froide qui l’ont suivi, en mettant en relation des personnages tirés de la réalité historique, comme le physicien J. Robert Oppenheimer, le général Groves, les savants Urey, Fermi, Szilard et Compton notamment (sortes d’ombres planant sur la fiction) et des personnages fictifs, mais largement inspirés du réel. Maximilian Mannhein, cerveau du projet N sur la bombe à hydrogène, rappelle Edward Teller, tandis que le sénateur Coggeshead fait référence au Lewis Strauss de la véritable enquête de la Commission de l’énergie atomique. Bien qu’Oppenheimer soit un personnage autonome, puisque Halverson le rencontre et l’apprécie au point d’en faire son guide spirituel, il est dans une certaine mesure Halverson lui-même. Par son parcours singulier, mais aussi à cause de certains détails comme sa maigreur, ses yeux bleus, sa vie familiale et même sa pipe, Halverson est, d’une certaine façon, le double d’Oppenheimer. Personnage au caractère incertain, Halverson-Oppenheimer traverse plusieurs phases psychologiques. Du scientifique froid et détaché, il devient, grâce aux rencontres qu’il fait lors de sa tournée de conférences, un être sensible à tout ce qui l’entoure : il s’humanise, reprend contact avec ses sens et se surprend à aimer les humains et tout ce qui vit. Être de contradictions également, il juge la fierté (que la notoriété subite lui aura fait goûter) étrangère à son idéal scientifique, tandis qu’un désir de puissance qui viendrait prouver la suprématie de la science sur la nature et sur l’humanité entière le secoue. Malgré qu’il se soit prononcé publiquement contre l’utilisation meurtrière de l’énergie atomique, il choisit de travailler au nouveau projet sur la bombe à hydrogène espérant percer toujours plus de secrets sur la matière. Sa véritable identité intérieure est toutefois révélée lorsque le narrateur, vers la fin du roman, dit que déjà à Los Alamos Halverson pensait à une super bombe. Bien que la conclusion du roman éloigne Halverson du Oppenheimer véritable, l’ambiguïté de ce dernier constitue un des éléments constitutifs de la fiction.