Rubriques
Charles Darwin in Cyberspace
Type de publication:
BookAuteurs:
Burch, ClaireSource:
Regent Press, Oakland, p.339 (2005)Texte complet:
Emma Darwin, enceinte depuis deux ans de son mari Charles qui l’a quitté pour une jeune étudiante du nom de Scarlet Charlotte, élève seule ses deux enfants. Malgré l’aide d’une travailleuse sociale, Dorothy Pageant, et la prise d’antidépresseurs, elle tente de se suicider peu après la naissance de son enfant, Ralph Waldo Business Administration, qui a de graves problèmes neurologiques. Ce désespoir est également nourri par la mort de sa fille bien-aimée, Annie, à l’âge de dix ans. Malgré tout, Emma maintient le contact avec son mari à travers ses lettres qui font sans cesse référence à Expressions of the Emotions in Man and Animals de Charles Darwin. À partir de l’évocation de la vie de son homonyme célèbre, elle s’imagine être la femme de Charles Darwin, Emma Wedgwood. Brouilles et raccommodements, discussions sur la pension alimentaire, tout se greffe sur le modèle des dialogues imaginés entre Darwin et sa femme, dans une suite de scènes où les identités des personnages fusionnent à travers le délire schizophrénique d’Emma.
L’humour corrosif avec lequel la jeune femme décrit sa propre vie se superpose aux observations de Charles sur l’expression des émotions et leur conditionnement social. Le roman se compose donc des tendres ironies échangées par les deux voix, mais aussi de la violence cachée des gestes extrêmes (l’abandon d’Emma et des enfants, sa tentative de suicide).
La figure du savant, qui se détache par son appétit pour l’observation et l’expérimentation, permet de mettre en perspective le gouffre qui sépare le riche spectre de l’affect humain de la volonté de capter ses mécanismes, mais cette distanciation se heurte rapidement aux limites du projet artistique de Claire Burch. Plutôt que d’utiliser la figure de Darwin comme un commentateur ironique et détaché du quotidien des personnages, le roman met sur le même plan – celui de l’hallucination – le discours scientifique et celui, pathétique, d’Emma. Ainsi, les deux se rejoignent pour créer un effet de monotonie, alors qu’ils auraient pu se relativiser.
Ce roman – abondamment illustré par l’auteure avec des dessins d’accouplements féroces qui rappellent les Demoiselles d’Avignon – où l’exactitude du langage emprunté à la biologie et à l’anthropologie est paradoxalement créatrice de redondances, ne fait en fin de compte que réactualiser les questionnements sur l’intérêt artistique de la pathologie mentale.