Rubriques
Lighthousekeeping
Type de publication:
BookAuteurs:
Winterson, JeanetteSource:
Alfred A. Knopf Canada Fourth Estate, Toronto Londres, p.232 (2004)Mots-clés:
Charles Darwin, Robert Louis StevensonTexte complet:
Ce roman de Jeanette Winterson raconte, dans l’ordre et dans le désordre, l’histoire de Josiah Dark, qui fit construire en 1828 un phare dans le petit village écossais de Salts; de son fils, Babel Dark, un pasteur qui rencontra Stevenson et Darwin au cours de sa vie mystérieuse; des Pew, gardiens de phare aveugles de père en fils; mais surtout, de la jeune Silver. Devenue orpheline à 10 ans, Silver fut recueillie par M. Pew qui s’occupa d’elle jusqu’à l’automatisation du phare et lui enseigna la seule chose qu’il put : l’art de la narration, celle des fragments de sa vie et de celles des autres. Dans Lighthousekeeping, l’histoire est courbe et les identités sont mal définies, individus et familles se confondant dans le temps. Rien n’est fixe, définitif dans cet univers où tout change, évolue, à l’image des espèces vivantes selon la théorie de Darwin. D’une grande richesse narrative, thématique et psychologique, ce roman s’interroge essentiellement sur la mémoire et l’art de raconter. Ainsi, selon Silver et son mentor, M. Pew, la vie ne peut être une histoire unique, avec un début, un milieu et une fin. La vie est un ensemble d’histoires qui s’entrecroisent, se contredisent ou se complètent, à l’image du roman lui-même qui est une succession de récits, parfois liés, parfois juxtaposés, racontée selon la logique des souvenirs, un peu au hasard.
Si le roman est intéressant, la figure de Darwin y joue un rôle plus que mineur. Il apparaît à deux reprises dans le récit, ayant rencontré et discuté avec le personnage de Babel Dark, qui fit la découverte d’une grotte remplie de fossiles à Salts. Outre ses deux apparitions de quelques lignes, les théories de l’évolution de Darwin prennent une certaine importance dans le roman. Pour Babel Dark, très religieux, la découverte de ces théories correspond à un bouleversement majeur dans sa vie et dans sa façon de percevoir le monde, qu’il voyait fixe, stable et confortable, et qu’il perçoit désormais en mouvement, en changement (inquiétant). Dans une autre perspective, les théories de Darwin correspondent pour Silver, la protagoniste, à sa perception du temps : sans début et sans fin, mais dans un long continuum. Finalement, les théories évolutionnistes apparaissent sous un dernier angle : Stevenson se serait inspiré de l’affirmation de Darwin comme quoi l’homme descend du singe pour écrire son Dr. Jekyll et M. Hyde, s’intéressant à l’animalité toujours latente chez l’homme. Ce roman de Stevenson est très important dans Lighthousekeeping puisqu’il aurait été écrit par Stevenson à la suite d’une discussion avec Babel Dark, qui voyait d’ailleurs dans ce récit un reflet de son identité dédoublée.