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Darwin's Flood
Type de publication:
Book ChapterAuteurs:
Wilson, SnooSource:
Plays : 1, Methuen Drama, Londres, p.189-260 (1999)Mots-clés:
Charles Darwin, Friedrich NietzscheTexte complet:
Entre l’existence et la non-existence, Charles et Emma Darwin reçoivent, dans leur maison de Down, Friedrich Nietzsche, sa sœur, Elizabeth Forster et son mari Bernard. Ceux-ci sont en route vers le Paraguay à la tête d’un groupe de Swabiens (les habitants d’une région au sud-ouest de l’Allemagne) pour aller fonder une petite colonie purement allemande, et ainsi préserver la race. Toutefois, il apparaît vite que Nietzsche est sexuellement impuissant, que sa sœur est complètement folle et projette ses pensées antisémites sur les théories de son frère, que Bernard couche avec toutes les femmes du groupe swabien et a perdu l’argent du projet. En plus de ce trio, d’autres personnages débarquent dans la maison anglaise : Jésus Christ, habillé de lycra tel un cycliste moderne, tente de convertir Darwin, mais découragé, finit plutôt par entretenir une liaison avec sa femme; et Marie-Madeleine, appelée via une agence d’escorte par Nietzsche, arrive en hélicoptère vêtu d’un uniforme de camouflage afin d’exciter Nietzsche – qui veut se castrer lui-même, mais ne peut bouger que lorsqu’il vient d’avoir une érection. Au final, personne ne convertit personne, mais Darwin se retrouve au centre d’un deuxième déluge, alors que l’arche est sous sa propre maison, la secte swabienne puriste est éliminée, Elizabeth repart en Allemagne pour publier les dernières notes de son frère (en corrigeant les idées incorrectes, bien sûr), mort foudroyé après avoir mis Dieu au défi.
L’écriture fantastique de Snoo Wilson est pour le moins déjantée et ne se préoccupe surtout pas d’être politiquement correcte ou réaliste : Jésus utilise un langage cru et charretier, Nietzsche jouit en insultant Dieu et Marie-Madeleine joue les dominatrices. Si la scène apparaît comme un cirque un peu sordide, il n’en demeure pas moins que les idées qui y circulent sont fort intéressantes. Grâce à ces personnages inspirés (très librement) de figures historiques – Nietzsche est décrit comme un sado-masochiste gai en fauteuil roulant –, l’auteur dresse une généalogie des idées sur l’évolution : des paraboles de la Bible (sélection naturelle par déluge interposé), il fait un lien avec les théories de Darwin (évolution par sélection naturelle), puis avec les réflexions de Nietzsche (évolution par catastrophes), de Marx et finalement, aux idéaux Nazis (qui se revendiquent faussement de Darwin et de Nietzsche pour justifier leur projet eugéniste). Toutes ces idées sont développées sans aucun didactisme, mais avec beaucoup d’imagination et d’humour noir. Il faut toutefois noter que cette pièce s’adresse à un public qui connaît déjà, au moins superficiellement, les théories de Darwin et de Nietzsche, l’histoire du déluge et les évènements qui ont mené au nazisme, puisque de nombreux liens sont tissés entre ses systèmes de pensée, mais aucun discours n’explique les bases théoriques.