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Tu enfanteras dans la souffrance
Type de publication:
BookAuteurs:
Thompson, MortonSource:
Presses de la Cité, Paris, p.430 (1950)Texte complet:
Malgré son style ampoulé, ses interminables circonvolutions et un souci du détail qui frise le ridicule, Tu enfanteras dans la souffrance de Morton Thompson a le mérite de faire la lumière sur la vie personnelle et scientifique de Semmelweis en présentant du même coup le contexte médical qui prévaut dans l’Europe de l’Est du milieu du XIXe siècle. Loin d’être synthétique (deux cents pages s’écoulent entre la naissance du médecin hongrois et la première formulation de sa théorie), ce roman biographique exploite au maximum toutes les facettes de l’existence du savant. Se torturant devant les innombrables décès dans les cliniques de maternité, Semmelweis tâtonne et tergiverse longuement avant de mettre le doigt sur la cause de la fièvre puerpérale. Sa requête (« Pour l’amour du ciel, lavez-vous les mains! »), pourtant si simple, rencontrera une résistance inouïe chez la majorité de ses confrères.
La narration omnisciente, qui mélange à son regard objectif le frou-frou d’une prose grandiloquente, dépeint Semmelweis comme un bourreau de travail qui sacrifie sa vie à la diffusion de sa découverte, c’est-à-dire la prophylaxie antiseptique. L’exhaustivité du récit démontre à quel point Semmelweis s’investit dans sa pratique, écrivant sans cesse des lettres à ses collègues européens, plaidant ça et là l’exactitude de sa trouvaille. Le médecin est représenté comme un homme intelligent entouré d’adversaires réactionnaires et sclérosés. Tout comme Céline, Morton convoque la figure sacrificielle pour exprimer l’isolement du savant. Au fur et à mesure de son déploiement, le roman s’enlise dans un parallélisme biblique parfois douteux. Intitulant un des derniers chapitres « Gethsémani », l’auteur cite en épilogue un contemporain de Semmelweis qui prétend que la médecine sera honteuse à jamais de son agissement envers le scientifique hongrois. Comme pour prouver à quel point Semmelweis était en avance sur son temps, Morton rappelle que la Hongrie mettra plus de trente ans à offrir une sépulture nationale à ce chercheur important.