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Les variations Darwin
Type de publication:
BookSource:
Odile Jacob, Paris, p.230 (2005)Mots-clés:
Alan Turing, Alfred Russell Wallace, Brecht, Charles Darwin, Charles Lyell, Cioran, Claude Bernard, çois Jacob, Fran, Jacques Monod, Kafka, Lamarck, Richard Dawkins, Robert Fitzroy, SloterdijkTexte complet:
Ce livre du metteur en scène Jean-François Peyret et du biologiste Alain Prochiantz est davantage une source de réflexion (ludique) qu’une expérience littéraire. Objet étrange que cette forme intermédiaire entre la science et la littérature. Le livre s’ouvre et se clôt sur deux réflexions fort intéressantes : le prologue d’Alain Prochiantz réfléchit sur la pratique de la science, aujourd’hui et à l’époque de Darwin, la possibilité de communiquer cette science, l’inutilité de la vulgarisation; et l’épilogue de Jean-François Peyret expose son approche du théâtre et la place que la science peut jouer dans cette création. Ensuite, la première section du livre, nommée « Matériaux Darwin », est essentiellement composée d’extraits de textes de Darwin, de Turing, de Lamarck, de Brecht, de Kafka, de Sloterdijk et d’autres, qui ont servi de base à la conception des pièces de théâtre « Des chimères en automne » et « Les variations Darwin ». Aucun narrateur n’intervient et aucune structure n’est apparente. Bien que d’intérêt littéraire à peu près nul (à moins de prendre un point de vue radicalement postmoderne sur le collage), ces matériaux sont forts intéressants, provoquant réflexion et rire sur différents sujets liés à Darwin, autant sa vie, que ses théories et leurs conséquences. Ces réflexions vont beaucoup plus loin qu’on pourrait s’y attendre sur la nature humaine, la sélection naturelle, le surdéveloppement du cerveau, le cerveau-machine, la génétique, l’imagination, la pratique de la science, etc.
Les textes qui suivent sont les partitions des deux pièces montées en 2003 et 2004. Partitions, puisqu’il ne s’agit pas exactement de textes dramatiques, mais plutôt de la version écrite des dialogues (ou plutôt textes) qui ont été dits sur scène. Cette version a été imprimée après les représentations, le spectacle étant un work-in-progress impliquant une grande participation des acteurs dans le processus créatif. S’il s’agit bel et bien de théâtre, Jean-François Peyret ne respecte pas les conventions théâtrales pour autant. Ses pièces expérimentales sont décousues et ne présentent aucune trame dramatique. Aucun personnage n’est réellement incarné sur scène, puisque les acteurs disent des extraits de textes de Darwin et d’autres, qui se font échos les uns les autres, sans distinction pour qui les a écrit. Si la mise en scène a peut-être créé une illusion théâtrale plus conventionnelle lors des représentations, il n’en reste ici aucune trace. La première pièce, « Des chimères en automne », traite surtout du corps à travers l’hypocondrie de Darwin, de la comparaison morphologique entre l’homme et le singe (taille du cerveau) et de l’évolution par la machine. Les travaux de recherche et les publications de Darwin, ainsi que les problèmes religieux qu’ils entraînent, tiennent également une place importante. La deuxième pièce, « Variations Darwin », est un peu plus structurée et comporte quelques dialogues suivis. Elle met en scène des idées et des réflexions qui concernent surtout le cerveau humain : la façon dont il perçoit le monde extérieur, la physiologie des sentiments, l’hyperthélie (grosseur démesurée du cerveau humain), la possibilité de le perfectionner mécaniquement grâce à la BMI (Brain-Machine Interface). Toutefois, une question émerge de toutes ces réflexions : le cerveau humain s’est développé au point où l’Homme doit maintenant se demander s’il doit intervenir ou non sur son évolution future.