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Turing : (A Novel about Computation)
Type de publication:
BookAuteurs:
Papadimitriou, Christos H.Source:
The MIT Press, Cambridge Londres, p.284 (2005)Mots-clés:
Alan Turing, Archim, ède, etc., Kurt GödelTexte complet:
Dans ce roman de Christos Papadimitriou, la fiction et la vulgarisation scientifique s’entremêlent : les théories et les rêves d’Alan Turing prenant forme dans un monde légèrement futuriste. En 2007, Ethel, une vedette de la programmation du Net, se rend sur l’île grecque de Corfu dans le but avoué d’y tomber enceinte. Une courte idylle avec Alexandros, un archéologue grec dans la cinquantaine, suffit à atteindre son but, et c’est à son retour qu’elle découvre la véritable identité de son amant virtuel, Ian Frost, un pirate informatique québécois célèbre. Quelques mois après leur mariage très médiatisé, leur bonheur commun est toutefois interrompu par la maladie et la mort de Ian, et ce, malgré tous les efforts qu’il a pu mettre à trouver sur le Net la « perle d’information » qui aurait pu le sauver. Dans ce monde fictif (comme dans le nôtre?) le Net est le reflet parfait du savoir humain : le chaos des informations contradictoires ; la vérité dans une mer d’inepties. En parallèle à cette histoire d’amour, Alexandros se retrouve en relation avec un programme étrange, « Turing », un moteur interactif d’apprentissage qui choisit lui-même ses usagers et qui entreprend d’enseigner à l’archéologue l’histoire de la science informatique depuis l’antiquité grecque jusqu’à l’intelligence artificielle. Il apparaît que « Turing » pourrait bien-être un prolongement virtuel d’Alan Turing, un mathématicien anglais mort en 1954 qui s’est intéressé à la possibilité d’imiter l’intelligence humaine à l’aide d’une machine. C’est d’autant plus plausible que Ian Frost avait pour projet de créer de tels êtres pour sa « bibliothèque du futur » : il voulait recréer, grâce à l’intelligence artificielle et aux archives, des savants illustres du passé, comme Einstein, Marx, Darwin ou Turing, et les faire intervenir sur des sujets actuels. Afin de prouver que les machines « pensantes » sont véritablement intelligentes, Alan Turing avait mis au point le test de Turing, inspiré du behaviorisme et basé sur une communication à l’aveugle avec un être humain. La relation entre « Turing » et Alexandros devient donc, au fil du roman, la mise en scène de ce test qui aboutit à une simulation réussie : le programme se fait passer pour Alexandros dans un dialogue avec Ethel et il lui déclare son amour.
Si l’idée de base de Papadimitriou est très prometteuse et potentiellement riche, la réalité du roman est assez décevante. Le récit oscille entre des passages interminables et didactiques de cours de mathématique de base et d’histoire des sciences informatiques, et une histoire banale de triangle amoureux. Les aspects les plus intéressants du roman comme le mystère qui entoure le programme « Turing » ou le personnage intrigant de Ian Frost sont très peu développés et leur dénouement est bâclé. Si Papadimitriou avait osé aller plus loin dans son idée de personnage-programme, en lui permettant d’établir de véritables relations humaines et nous avait épargné les cours d’initiation qui monopolisent près de la moitié du texte, ce roman aurait pu avoir un grand intérêt. Dommage. Toutefois, la dernière partie, qui figure d’annexe, apporte une certaine originalité en présentant des extraits d’un forum de discussion fictif, dont les participants critiquent le roman et apportent des précisions historiques et techniques (dont la véracité demeure incertaine).