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La procédure
Type de publication:
BookAuteurs:
Mulisch, HarrySource:
Gallimard, Paris, p.287 (2001)Texte complet:
Le narrateur de La procédure, Victor Werker, chimiste de formation, qui s’est intéressé de près à la biologie, a réussi l’impossible : donner vie à la matière inanimée, qu’il a nommée « éobiont ». Une forme de vie autonome extrêmement simple de la taille d’un virus, mais néanmoins créée artificiellement. Ce travail suscite l’admiration de nombreux chercheurs, mais aussi la haine de confrères jaloux, en particulier de son assistant Brock, et de nombreux individus scandalisés par cette volonté de se prendre pour Dieu.
Alors que de l’avis de plusieurs on s’apprête à lui accorder le prix Nobel, sa vie privée va à vau-l’eau. S’interrogeant sur le sens de son existence, il écrit trois longues lettres à sa fille mort-née – elle s’est étouffée avec le cordon ombilical dans le ventre de sa mère, quelques semaines avant sa naissance – , lettres qui relèvent à la fois du journal intime, de la vulgarisation scientifique et de l’échange amoureux. Puis, par hasard, il surprend une conversation téléphonique annonçant le meurtre imminent de quelqu’un. Des bribes de ce qu’il a entendu le lancent sur diverses pistes pour empêcher ce crime qui semble aussi inéluctable que l’ADN d’un individu. Car ce meurtre, il en est la victime désignée.
La procédure tisse avec une habileté redoutable et une grande intelligence des liens entre science et religion, mythe et littérature, génétique et éthique, vie privée et professionnelle d’un chercheur scientifique de renom. Un chapitre, au cours duquel Werker imagine une version très personnelle de la création du Golem, plonge le lecteur à la cour de Rodolphe II et permet de croiser Giordano Bruno, Tycho Brahé et Johannes Kepler. Mais le principal intérêt du roman par rapport aux figures de scientifiques tient à ce qu’il évoque la vie d’un « vrai » scientifique (James Watson et son livre The Double Helix), dont le narrateur s’inspire en l’évoquant comme influence première.
La double hélice – comme découverte scientifique et titre éponyme de l’ouvrage de Watson – apparaît pour Werker comme la base des valeurs, d’une éthique. Elle devient pour lui le fondement d’un grand récit collectif, là où tout commence. Il serait trop long de le développer ici, mais soulignons que le roman offre de nombreux échos aux événements qui ont entouré la découverte de la molécule d’ADN, découverte qui balise toute la vie de Werker.
En entrelaçant science et mythe, imaginaire et recherche en laboratoire, chiffre et lettre, Mulisch insiste sur un fait connu : la science n’explique pas toujours le mystère, souvent elle y renvoie. La découverte conduit souvent à un nouveau degré de complexité qui peut aussi apporter un peu plus de lucidité.