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Hypatia
Type de publication:
BookAuteurs:
Zitelmann, ArnulfSource:
Médium, Paris, p.378 (1990)Texte complet:
Roman picaresque écrit pour un public jeunesse, Hypatia se veut le récit de la dernière année de la vie de la philosophe grecque telle que vue par les yeux d’un jeune scribe engagé pour des travaux de secrétariat et de bibliothécaire. Thonis est un ancien esclave récemment arrivé à Alexandrie à la recherche de travail et d’opportunités afin de profiter de sa nouvelle vie d’homme libre. Après quelques semaines de déboires et d’angoisses, il trouve refuge et salaire dans la maisonnée d’Hypatia, femme mystérieuse et envoûtante qui a la réputation d’être à la fois généreuse, brillante et respectée dans les cercles les plus influents de la ville. Le lecteur est vite mis en contact avec le climat politique et religieux particulièrement chargé de la cité : à cheval entre deux mondes irréconciliables, l’Alexandrie du Ve siècle est aux prises avec les pires émeutes et les plus sanglants affrontements intestinaux de son histoire. Le clergé (à travers la figure fanatique de Cyrille) a récemment pris les rênes du pouvoir et orchestre une série de massacres dans les quartiers juifs et grecs. La nouvelle foi chrétienne, de plus en plus répandue dans l’empire, n’est pas indulgente envers les « païens », incendiant leurs temples et occupant leurs lieux publics. Hypatia, fière représentante d’une culture en déclin, doit redoubler d’ardeur dans ses discours et cherche les alliances possibles avec les autorités modérées d’Alexandrie et de la capitale, Constantinople.
Le cas d’Hypatia est particulier dans l’histoire des sciences, car elle est « considérée » de nos jours comme une philosophe et une mathématicienne influente de la première ère chrétienne. Considérée, parce que peu de documents fiables sont parvenus jusqu’à nous pour étayer les hypothèses des historiens quant au rôle précis qu’elle pouvait jouer dans les domaines du savoir. Ainsi, le roman de Zittlemann, comme la plupart des fictions concernant cette « représentante de milliers de femmes anonymes » (p. 378), est d’abord construit à la manière d’un hommage, décrivant Hypatia comme un être sans peur et sans reproche, calomniée par des puissances obscurantistes et digne phare d’une grande époque tirant à sa fin. Le lecteur avide de renseignements sur sa contribution aux théories philosophiques et scientifiques de son temps restera sur sa faim, puisque les quelques lignes rapportant ses discours sont pratiquement toutes consacrées à des commentaires sur la République de Platon. Sans oublier que le roman s’adresse avant tout à un public adolescent, il est important de noter que la part de science dans le livre est faible sinon nulle (on y apprend qu’elle croyait fermement aux théories héliocentriques, mais également qu’elle lisait les « signes » colportés par les vents et les vols d’oiseaux – son père Théon avait écrit sur le sujet des présages), le but étant évidemment de divertir en nous faisant découvrir une femme d’exception. Comme roman jeunesse, Hypatia tient la route, décrivant des coutumes intéressantes et défilant les scènes d’action sur un rythme rapide. Mais cela ne va pas beaucoup plus loin : le récit de Zittelmann s’offre en introduction à une femme qui, d’après lui, mérite notre respect et notre souvenir, sans toutefois préciser clairement ce qu’elle possédait de si inoubliable, outre sa condition de femme prise au beau milieu d’un monde intolérant.