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Hypatia of Alexandria
Type de publication:
BookAuteurs:
Dzielska, MariaSource:
Harvard University Press, Cambridge, p.157 (1995)Texte complet:
Cette courte thèse de Maria Dzielska, de la série « Revealing Antiquity » de l’université Harvard, est d’abord une rectification historique. S’appuyant sur les plus récentes études et les documents sources, l’auteure explique en quoi la légende et la vérité sur Hypatie s’entrecroisent et se chevauchent constamment. Figure notoire de la dernière grande époque de la philosophie grecque, Hypatie a vécu durant une période politiquement et religieusement très agitée et a fini assassinée sous les pierres d’une foule d’extrémistes chrétiens vers 415. Dzielska, après avoir fait un tour d’horizon des fictions les plus importantes qui ont mis en scène la philosophe, remonte aux sources pour tenter de faire la lumière sur les circonstances réelles de sa vie et de sa mort. Le lecteur apprend notamment que des nuances sont à apporter sur la culpabilité directe de Cyrille, alors archevêque d’Alexandrie, qui est presque unanimement considéré comme l’initiateur du meurtre dans les œuvres romanesques et poétiques. D’après les sources premières, il est clair que la réalité est plus complexe, que des affrontements intestinaux entre factions chrétiennes sont sans doute plus responsables de la colère populaire menant au meurtre d’Hypatie, qu’un appel direct de Cyrille. On apprend également que la victime elle-même n’a probablement pas été l’être sans reproche qu’ont fait d’elle ses différents bardes. En effet, une analyse sociologique des mentalités de l’époque permet de supposer de façon plausible une forme d’extrémisme et d’intransigeance autant chez Hypatie, que chez ses ennemis.
C’est avec une minutie bien documentée et jamais lourde, pleine de détours calculés, que Dzielska mène le lecteur vers ses conclusions. Par exemple, en retrouvant de nombreux disciples de la philosophe et leurs existences temporelles respectives, on arrivera à une vision plus précise, non seulement de sa naissance et de sa mort (les dates n’ont jamais été fixées), mais aussi de son environnement social. Dzielska pose des questions qui remettent en perspective la figure légendaire : Hypatie était-elle tellement haïe des chrétiens que deux de ses disciples sont devenus des évêques? Comment mettre tout le blâme sur Cyrille alors qu’on sait bien aujourd’hui qu’il était surtout préoccupé par les Juifs et les hérétiques chrétiens et qu’il n’a commencé à harceler les païens que des années après la mort d’Hypatie? Ce que l’auteure démontre, avec éloquence, c’est que si Hypatie est tombée sous le poids de la politique enflammée de l’aube du christianisme, les poètes et romanciers des siècles qui ont suivi ont voulu la faire revivre sans rectifier le tir. Tous et toutes avaient des buts précis et des messages à passer, que ce soient les protestants voulant dénoncer les calamités commises par l’Église catholique ou les féministes modernes recréant une Hypatie mi-amazone, mi-vierge sacrifiée.